Historique et Analyses

Katherine Wentworth et Mark Graison (Morgan Brittany et John Beck)
Historique du feuilleton
Dallas, ton univers a vieilli (Michel Robert)
La place de la famille dans Dallas (Michel Robert)
Dallas comme objet d'étude (Elie Allouche)
Bobby Ewing, un personnage irréel ? (Elie Allouche)

Je tiens à remercier Michel Robert, fan de Dallas, de ses intéressantes analyses critiques personnelles, que vous trouverez plus bas, à la suite de l'historique. Merci également à Elie Allouche qui a lui aussi pris "Dallas comme sujet d'étude". Vous trouverez son texte en bas de cette page.

Historique

Tout commence le 2 avril 1978 lorsque CBS propose à ses téléspectateurs un feuilleton d'un genre encore jamais vu. Une famille de riches pétroliers texans, également propriétaire d'un ranch, va nous faire découvrir ses multiples facettes. Au départ cinq épisodes seulement étaient prévus, mais le public ayant vite été séduit, la série s'est vue prolongée au fil des semaines. Aux USA, puis bientôt en France et dans le monde entier, tout le monde se passionne pour l'affrontement des Ewing et des Barnes, les ennemis "héréditaires". Bobby et Pamela, modernes Roméo et Juliette, feront les frais de cette rivalité. L'impitoyable J.R., sans scrupule, ne recule devant rien pour acculer ses ennemis, n'hésitant pas à pousser sa femme, Sue Ellen, vers l'alcoolisme. Jock et Ellie, les parents, forment un couple uni et solide malgré les épreuves, véritable pilier de la famille.Au plus fort de sa popularité, les fans du feuilleton s'arrachent les jean's et autres produits dérivés sur J.R., on collectionne les livres, les romans-photos, les trading cards, les statuettes, les portes-clés, etc...

La famille Ewing

Les taux d'audience battent des records, le public se passionne pour ce feuilleton et se demande qui a tué J.R., qui est le père de John Ross, si Bobby et Pam vont se réconcilier, ou encore si Sue Ellen va quitter J.R. pour s'enfuir de Dallas avec son nouvel amant. La violence, le sexe, l'argent, le pouvoir seront présents tout au long des 357 épisodes et ces ingrédients, ainsi que des scénaristes inventifs, feront le succès mondial de Dallas pendant 13 ans.

Un jour de 1991, on décide de tout arrêter, les gens regardent moins Dallas, Larry Hagman est atteint d'un cancer et d'autres acteurs en ont assez et veulent passer à autre chose. Les fans sont tristes en voyant le dernier épisode de la série. La question reste posée : J.R s'est-il suicidé ?

En 1996, un nouveau téléfilm est tourné, apportant une réponse à cette question. L'audience de ce film ayant été positive, les producteurs décident alors en 1998 d'en tourner un second qui marquera les 20 ans de Dallas et peut-être ses dernières intrigues ?

retour en haut

Dallas, ton univers a vieilli !

Michel Robert (25 février 2000)

La série a débuté en 1978 aux Etats-Unis. Chez nous elle est arrivée en 1981. Aujourd'hui, elle revient toujours régulièrement à l'antenne. Et si on la regarde encore avec intérêt, il est aussi possible de s'y intéresser de manière différente. Sous ses aspects désuets, Dallas peut apporter des tas de renseignements sur les moeurs et la société américaine d'il y a plus de vingt ans.

Avez-vous remarqué que Dallas, à chaque rediffusion, nous paraît un peu plus vieux chaque fois ? Normal, me direz-vous, la série à plus de 20 ans désormais. Mais que de changement dans la façon de la suivre aujourd'hui par rapport à sa première diffusion, le samedi soir sur TF1! A cette époque-là, on regardait Dallas pour ses intrigues tout autant que pour le luxe et la démesure des personnages. Or, de nos jours, en l'an 2000, comment ne pas regarder d'un autre oeil les toutes premières saisons. Qu'il nous semble loin le temps où il n'y avait aucun ordinateur dans les bureaux des entreprises comme la compagnie Ewing. Qu'il nous semble bizarre aujourd'hui de ne pas voir des grands patrons de cette trempe utiliser des téléphones portables à tout bout de champ. Qu'il est étrange de s'apercevoir de la mode vestimentaire de cette époque.

Autant de choses qui ne nous sautaient pas aux yeux lors des premières diffusions mais qui désormais donnent à la série (du moins à ses premières saisons), un goût suranné qui n'est pas déplaisant.

Peu à peu, de "vieilles séries" comme Dallas, nous projettent près de vingt ans en arrière, et nous rappellent, ou font découvrir aux plus jeunes, comment était la vie en ce temps-là. Certes, Dallas ne peut pas être pris en compte pour refléter la vie de la fin des années 70 aux USA, mais, en cherchant bien, transparaissent certains sujets.

Des moeurs et des tabous

La campagne de Cliff Barnes pour devenir sénateur du Texas est très orientée vers la lutte contre la corruption et l'écologie. Des sujets politiques qui feront recette près de 10 ans plus tard chez nous. La question du travail des femmes (Pam) est mise en avant dans les toutes premières saisons. Bobby s'y opposera fermement, avant, signe des temps, d'encourager Pam à retrouver du travail. Sue Ellen, femme au foyer par excellence, ne travaille-t-elle pas vers la fin de la série, à l'approche des années 90 ?

Pamela

Les questions de l'avortement (Lucy), de la perte d'identité masculine (Steven Farlow) ou celle de l'euthanasie (Ray) sont posées assez franchement pour l'époque. Et que penser des théories politiques des uns et des autres dans la série. Dans ces années là, en France, on s'apprête à passer de la droite traditionnelle de Giscard à la gauche réformatrice de Mitterrand. Là-bas, on se pose déjà des question sur l'ultra-libéralisme. Il faut dire que Reagan arrive au pouvoir en fanfare, avant de connaître, tout comme J.R., une tentative d'assassinat !

Autant de sujets qui sont abordés, même s'ils ne sont quelquefois que survolés, et qui nous aident à mieux connaître cette époque. Bien sûr, je le reconnais, je prends aussi du plaisir à suivre les intrigues. Je me délecte de la méchanceté d'un JR et de la crétinerie de Ray. Mais, avec les multiples rediffusions qu'a connu Dallas, je l'aborde désormais d'un autre oeil, je recherche plus à savoir quel était le contexte social et politique de l'époque. Car, certains sujets, certaines intrigues ne seraient plus traitées de la même manière aujourd'hui. Et je me met à rêver du retour de nos héros, confrontés désormais à un nouveau siècle.

retour en haut

La place de la famille dans Dallas

Analyse par Michel Robert (4 mars 2000)

La place de la famille dans Dallas

S'il est une valeur qui est mise en avant durant toute la série, c'est bien celle de la famille. On parle des Ewing, des Barnes et même si chaque membre de telle ou telle famille a sa propre personnalité, c'est avant tout à la famille qu'il se réfère.

Qui n'a pas en mémoire cette fameuse phrase prononcée alternativement et depuis le tout début de la série par Jock, Ellie ou même J.R. : "Mais où va la famille ? On ne dîne jamais plus tous ensembles, réunis!". A elle seule, elle remet tout de suite Dallas dans son contexte: c'est une série familiale. Les Ewing sont ce qu'ils sont, forts, beaux, ntelligents et riches, car ils ont toujours fait passer la famille avant tout le reste. Même parfois avant les affaires. Jock n'a-t-il pas renoncé à forer dans le ranch par amour pour Ellie, afin de préserver le domaine familial des Southworth ? Lorsque J.R. s'amusera à oublier cette valeur primordiale, en hypothéquant le ranch, les remontrances de son père seront désastreuses pour lui.

La famille avant tout, ce ne semble pas être le refrain des Barnes, en tout cas jusqu'à l'arrivée de Rebecca. Bien sûr, Cliff dit vouloir venger son père et lui faire retrouver son honneur, mais en fait il n'agit jamais que dans son intérêt personnel, sous le couvert de la famille. Les Barnes ne forment pas une entité indéboulonnable. Contrairement aux Ewing, ils ne font pas toujours bloc. Quand J.R. fait un mauvais coup, la famille est derrière lui, au moins en façade. Le linge sale se lave en famille chez les Ewing. Pour les Barnes, il s'agit plutôt d'aller dans un bar se saouler et raconter à qui veut l'entendre l'histoire du pauvre Digger. Qui plus est, la situation ambiguë de Pam, à cheval entre les deux familles, ne fait rien pour aider les Barnes à être une famille unie. Combien de fois, par amour pour Bobby ou par respect pour Ellie, ne doit-elle pas presque renier son frère ? Autrement dit, dans la lecture qu'on peut faire de Dallas,

les gagnants sont ceux qui agissent en famille

C'est donc une idée très conservatrice qui apparaît, mais il faut la replacer dans le contexte de l'époque, à savoir la fin des années 70. Cette idée de famille unie est en effet très anachronique aujourd'hui, au moment où les familles sont surtout désormais monoparentales aux Etats-Unis. La famille est aussi mise en avant dans le business. On parle des "amis de la famille", en fait, les personnalités politiques "subventionnées" par les Ewing. Il y a aussi les "vieux amis de la famille". Il s'agit là des précurseurs, qui avec Jock (et Digger), ont participé à la recherche des premiers gisements de pétrole au Texas. Ainsi, la consigne est toujours de ne pas nuire à ces vieux amis de la famille, en souvenir de Jock. Bobby et surtout J.R. n'hésiteront pourtant pas, à plusieurs reprises, à sacrifier tel ou tel ami de la famille pour faire avancer les affaires de la compagnie. Une manière de dire que derrière les grands mots, les Ewing ne s'arrêtent pas toujours à une vision idyllique de la famille.

Les enfants et le ranch

L'idée de famille se ressent aussi dans les enfants. Le désir d'en avoir est lié au désir de souder ou construire une famille. Une fois nés, ils sont des enjeux de pouvoir. Comme le pétrole ou les terres du ranch, les enfants deviennent monnayables. Et lorsqu'ils sont en âge de s'intéresser de près aux affaires, ils peuvent devenir des alliés comme des ennemis (James Ewing).

L'impossibilité de Dusty de procréer est clairement désignée comme l'obstacle insurmontable à l'affirmation de la famille. Cet échec poussera finalement Sue Ellen à "retrouver sa vraie famille" à Southfork. Le désir de Pam d'avoir un enfant est aussi très révélateur. Alors que le désir de J.R. est d'être le premier à offrir un petit-fils à Jock et par-là même un héritier, chez Pam, les raisons sont toutes autres, et souvent bien plus profondes. Pamela ne peut avoir d'enfant, et ses échecs répétés sont un nouvel obstacle à l'existence des Barnes en tant que famille. Pam, apprenant que son père n'est pas Digger en est toute retournée. Quant à Rebecca, sa mère, elle ne réussira réellement à fonder une famille qu'en s'enfuyant et en refaisant sa vie avec un riche homme nommé Wentworth. Pam veut aussi un enfant pour se faire définitivement accepter au sein des Ewing. L'arrivée de Christopher, et le chantageb masqué à la paternité de J.R., montrent bien ici, que Christopher est un lien très fort qui liera les Barnes et les Ewing à jamais. La naissance de John Ross sera d'ailleurs importante au même titre, avec le doute quant à la paternité de Cliff.Ce dernier, ne sera d'ailleurs jamais chanceux, Afton revenant à la fin de la série lui présenter Rebecca Pamela Barnes, sa fille.

Notons la prépondérance des filles chez les Barnes, alors que les Ewing sont majoritairement des hommes. Ellie et Jock ont eu trois fils, sans compter Ray. Seul Gary, le "raté de la famille" comme aime à l'appeler son grand frère J.R., aura une fille, Lucy.De là à dire que les forts ont des fils et les faibles des filles, il n'y a qu'un pas, qu'ont peut-être osé franchir les scénaristes. Qui a dit machisme ?

La maison du bonheur ?

Il faut remarquer que la famille Ewing, toute soudée qu'elle est en apparence, est souvent lézardée par des dissensions : Gary, le vilain petit canard et Ray, le bâtard, sont à plusieurs reprises mis à l'écart. Ils ne fonctionnent pas comme le reste du groupe, alors, on les bannit.

Bobby et Cliff

Car, si les Ewing sont forts en famille, ils savent aussi ce qu'ils doivent à leur individualisme forcené. Les Ewing sont forts, parce qu'ils sont une famille unie (aux yeux des autres, en tout cas), mais ils sont aussi une somme d'individualité. Et si le mot famille est un terme générique, aux yeux des scénaristes, seul le noyau familial semble être digne d'intérêt. Dans le cas des Ewing, il est à Southfork ! Rappelons-nous l'accueil pour le moins mitigé reçu par Jack et sa soeur Jamie, les fameux cousins. Le fait que tous les Ewing vivent sous le même toit semble en effet être un point primordial qui conditionne l'appartenance à la famille. Ray, qui vit à l'écart est un peu mis de côté, même s'il reste sur les terres du ranch. Gary, lui, a préféré quitter l'atmosphère étouffante de la famille, comprenez du ranch. Du côté des autres familles présentes dans Dallas, on remarquera que les Farlow semblent vivre sur le même modèle familial que les Ewing, à San Angelo, au ranch de Southern Cross. Seuls les Barnes n'ont pas de maison familiale. Toutefois là encore, l'arrivée de Rebecca, tentera de remédier à ce problème.

A noter pour finir, ce qu'expliquait à l'époque Léonard Katzman, le producteur de Dallas, à propos du changement de ranch, entre la première mini-série et la première saison : "Le fait de faire vivre tous les protagonistes sous le même toit nous a permis de rendre les histoires plus intéressantes." Et c'est vrai, qu'elles sont intéressantes, les histoires de cette famille !

retour en haut

Dallas comme objet d'étude

Par Elie Alouche (24 mars 2001)

La création de Dallas répond à des exigences tout autant commerciales que sociologiques et culturelles dans le cadre de la société américaine de la fin des années 70. Cette société voit alors ses valeurs remises en cause et cherche des nouveaux repères qui ne peuvent plus s'affirmer de façon aussi schématiques qu'aux temps des pionniers ou de la guerre froide au plus fort du maccarthysme.

Dallas offre d'abord l'image d'une société capitaliste en crise, décadente par bien des aspects et déboussolée à l'image de l'ambiguïté abyssale de son héros principal J.R. Ewing, tiraillé entre sa soif de pouvoir, son insatiable appétit sexuel et son attachement à ses racines familiales et texanes. Le personnage est d'ailleurs à bien des égards un héros mythologique, emblématique, qui dégoûte en même temps qu'il séduit, tout en restant foncièrement improbable dans sa construction scénaristique, ce qui n'est pas pour nuire au mythe lui-même.

Les façons d'appréhender Dallas sont multiples.

Ray et Clayton

retour en haut