Historique du feuilletonPar Elie Alouche (14 février 2002)
Bobby est sans doute le personnage le plus populaire de Dallas, celui dont la gloire est la plus durable, avec celle de J.R. Le plus étonnant est qu'il se confond quasiment avec son interprète, Patrick Duffy, ex-homme de l'Atlantide, qui trouve là le rôle de sa vie.
L'évolution de Bobby au fil des épisodes est subtile et dessine un personnage plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord.
Le premier épisode du feuilleton débute sur l'image du couple parfait, Bobby et Pam, qui viennent de se marier en cachette et dont l'éclatant bonheur contraste rapidement avec les remous engendrés par l'union d'une Barnes et d'un Ewing. Le jeune marié a alors l'image d'un play-boy plutôt oisif, chargé des basses besognes du clan Ewing, la valise pleine de billets nécessaires au soutien indispensable des hommes politiques, entre deux haltes dispendieuses à Las Vegas. Jusqu'alors il ne faisait que s'amuser, tandis que son frère aîné J.R. travaillait dur dans l'ombre du patriarche, avant de s'imposer comme le meilleur et le plus redoutable pétrolier de la ville.
Les choses se gâtent lorsque le fils préféré de Jock obtient des responsabilités de plus en plus importantes au sein de la Compagnie pétrolière Ewing Oil, jusqu'à obtenir la moitié de l'entreprise après la mort du père et occasionnellement sa totalité, dans les moments de déchéance du frère aîné. Bobby s'aperçoit ainsi progressivement qu'il prend goût au monde des affaires, sans dédaigner donner quelques coups de main à Ray au ranch. Ses seules faiblesses aux yeux de J.R., qui lui reconnaît des qualités de gestionnaire, sont sa naïveté et son idéalisme excessifs, qui ne peuvent que jouer des tours dans un milieu de requins.
La carrière de Bobby est d'ailleurs quelque peu mouvementée : il lui arrive de se faire rouler dans la farine par tel promoteur véreux ou tel ancien ami d'enfance devenu escroc ; il est un moment tenté par la carrière politique, comme sénateur, au bénéfice de son image de preux chevalier, poussé par sa belle-soeur Donna qui l'adule littéralement et voit en lui le parfait anti-J.R. Enfin, désespéré par ses malheurs amoureux, il se réfugie dans la gestion du ranch après le départ de Ray.
La vie sentimentale de Bobby est surtout marquée par son grand amour, exclusif et fusionnel, avec Pamela Barnes. Elle est, sans aucun doute, la seule femme qu'il ait réellement aimée, malgré sa liaison par dépit avec Jenna, ancien amour de jeunesse affadi, et son remariage, écourté tragiquement pendant leur voyage de noces à Paris, avec April, ancienne épouse de son cousin Jack, tuée alors qu'elle est l'otage d'une femme insane qui veut venger son mari, pétrolier ruiné par l'O.P.E.P.
Le couple qu'il forme avec Pam est devenu emblématique, sorte de Roméo et Juliette modernes version texane. Sa «fausse mort», alors qu'il veut sauver son ex-future-femme de la folie meurtrière de sa demi-soeur, Katherine, n'en est que plus poignante. Cependant qu'April perd patience face à l'indécision de son bien-aimé, Bobby est même troublé un temps par une sosie de Pam, disparue sans laisser de traces après un terrible accident de voiture qui l'a défigurée (stratagème imaginé à la suite du départ de Victoria Principal, son inoubliable interprète).
Alors qu'il est le parfait prince charmant, que ses qualités sont telles qu'elles en étouffent parfois ses partenaires, la vie amoureuse de Bobby tourne en tragédie. Beauté, force, présence charismatique, élégance, honnêteté, loyauté, fidélité, force de sentiments, sa carrure est de celles qui forgent les héros. Mais tout héros a son talon d'Achille. Il en a d'ailleurs plusieurs : sa naïveté (qui s'estompe progressivement), sa nature « soupe au lait » qui le conduit souvent à l'empoignade (il manque plusieurs fois de tuer J.R. !) et son manque de franchise par peur de blesser les femmes qu'il n'ose pas repousser. Dans les tout derniers épisodes, Bobby se résigne à ne s'accomplir que dans son rôle de père exemplaire, sans renoncer à quelques escapades romantiques qui ne sont que de pâles répliques de l'amour passionnel qu'il a vécu avec la fille Barnes.
Bobby entretient des rapports affectifs et tourmentés avec sa famille. Il est supposé être le fils préféré de Jock, ce qui expliquerait l'ambition exacerbée de J.R. obsédé par le désir que son père soit fier de lui. Mais, dans les premières saisons, Bobby a des rapports très conflictuels avec Jock, qui soutient trop systématiquement à ses yeux les manigances de l'aîné, en voulant avant tout préserver l'unité familiale, la cohésion de son clan, de la « tribu » Ewing. Ces conflits débouchent sur son départ de Southfork à la veille de la seule nouvelle qui pouvait alors le ramener au bercail : « on » (qui ?) a tiré sur J.R.
Bobby n'en est pas moins très attaché à son père, en qui il voit un géant insurpassable et il est littéralement désespéré en découvrant sa boucle de ceinture dans des marécages sud-américains, comme preuve de sa mort certaine. Malgré la guerre perpétuelle qui les oppose, surtout après la lecture du testament de Jock qui ouvre une terrible lutte de succession pour le contrôle d'Ewing Oil, Bobby aime sincèrement son frère aîné. S'il voit en lui un être sans scrupules et machiavélique, il apprécie le pétrolier et le père aimant. Ses liens avec son autre frère, Gary, déchu et réfugié sur la Côte Ouest, sont complexes. Bobby a toujours regretté le départ de Gary, mais n'a pas vraiment fait le maximum pour le réintégrer à la famille. Pour lui Gary est bien un Ewing, mais il a fait preuve d'un caractère trop faible face aux pressions de J.R. et il n'a pas vraiment sa place à Dallas. Il se charge cependant de le remplacer affectivement auprès d'Elly, avec qui il a des rapports d'une tendresse émouvante, par exemple lors de son faux départ déjà évoqué qui donne lieu à une scène déchirante entre ces deux merveilleux acteurs. Ray a toujours été pour lui avant tout un ami très proche, avec qui il est bon prendre un verre dans un bar glauque ou s'occuper du bétail à l'occasion. Le fait qu'il apprenne qu'il est en fait son demi-frère n'a pas changé grand-chose, Ray est toujours resté très proche de lui.
