L'automobile dans la série télé Dallas

Nicolas Fourny a rédigé en 2000 (d'où les prix encore exprimés en francs) un article intéressant et très bien documenté sur les voitures de Dallas. Vous pouvez lui écrire, si vous le désirez. Je le remercie vivement de sa contribution.

L’automobile a joué un grand rôle dans Dallas : symbole de réussite, surtout aux Etats-Unis où l’on n’hésite pas à afficher sa fortune, vecteur important des scénarios de plusieurs "cliffhangers" (la mort de Bobby, l’accident dont Pam sortira défigurée, etc.), et aussi signe de l’escalade "anti-Dynastie" dans le choix des véhicules, elle a efficacement participé à la construction du mythe. Voici donc quelques lignes d’analyse sur ces héroïnes toujours fidèles et parfois dangereuses

Les voitures des personnages principaux

J.R. restera longtemps fidèle aux Mercedes classe S. Dans les premiers épisodes, il roule en Mercedes 450SEL, un modèle vendu aux Etats-Unis de 1973 à 1980. Après son premier divorce d’avec Sue Ellen, il échangera cette auto contre le nouveau modèle, produit de 1979 à 1991 (soit à peu près la même durée de vie que la série) : une 380SEL à jantes alliage Fuchs qui demeurera dans la mémoire collective comme "LA" voiture de J.R., même lorsque, dans un élan de patriotisme, il choisira de rouler dans la Cadillac Allanté qu’il avait offerte à Mandy Winger. (La Cadillac Allanté était un élégant cabriolet à deux places, destiné à concurrencer Mercedes et BMW aux Etats-Unis, dessiné par Pininfarina et pour lequel la General Motors avait mis en place un pont aérien extrêmement dispendieux entre Turin et Detroit, ce qui n’empêcha pas cette voiture de se révéler un échec commercial retentissant !). Avant de faire confiance à General Motors, J.R. roulera durant quelques épisodes avec une 560SEL de la seconde génération, reconnaissable à ses jantes alliage et à ses boucliers d’un dessin différent.

Erreurs

Lorsque Sue Ellen a un accident avec Mickey Trotter, elle conduit la 380SEL de J.R. (on la reconnaît clairement lorsqu’elle sort de Southfork). Mais, un instant plus tard, quand la voiture conduite par Walter Driscoll heurte volontairement la Mercedes, c’est la vieille 450 qui s’y colle et effectue un tonneau mémorable On décèle ici les limites budgétaires de la production! A noter que cette scène avait lieu de nuit, sans doute pour mieux dissimuler la supercherie! Dans le même esprit, les scènes où J.R. rentre à Southfork étaient manifestement tournées une fois pour plusieurs épisodes: à maintes reprises, on le voit rouler dans sa nouvelle Mercedes, puis prendre le virage au volant de l’ancienne! ça fait désordre !

Bobby, c’est bien sûr l’homme à la décapotable. Une voiture qui correspond bien à la personnalité du jeune frère de J.R. et sert son image de play-boy fortuné et plus insouciant que son aîné. Mais Bobby est lui aussi un adepte de la firme de Stuttgart car il ne s’agit pas de n’importe quel cabriolet: une Mercedes 450SL rouge, avec intérieur en cuir noir et jantes Fuchs. Une auto qui sera présente à chacun des moments importants dans la vie de Bobby: c’est à son volant qu’il quitte Southfork avec Pam et qu’il est prévenu de l’attentat contre J.R. c’est dans cette voiture qu’il est repéré par la police alors qu’il vient de trouver le cadavre de Faraday c’est en la rejoignant qu’il se fait "tuer" et c’est à son volant que Pam sera défigurée

A noter: bien entendu, Bobby usera plusieurs cabriolets successifs : la 450SL des débuts sera remplacée en 1981 par une 380SL (identique extérieurement, aux appuie-tête,, au volant et à l’autoradio près), puis en 1986 par une 560SL (toujours la même carrosserie, mais avec un léger restylage (spoiler avant, nouvelles jantes) et un intérieur en cuir beige Un détail amusant: cette dernière auto apparaît après le rêve de Pam. Bobby gare donc sa 380SL devant chez elle à la fin de la saison 1984-1985, puis monte dans sa 560SL au début de la saison 1986-1987 (Mais comme entre-temps les cheveux de Pam ont sensiblement poussé, on n’en est plus à une invraisemblance près)

Après l’accident de Pamela en 1987, J.R. offrira généreusement une Maserati Bi-turbo Spyder noire à son petit frère, un modèle aussi séduisant que mécaniquement fragile. Une auto qu’on verra peu. Durant la onzième saison en effet, Bobby s’offre une Jaguar XJ-SC V12 convertible davantage digne de son standing (est-ce une suggestion de Cliff Barnes ?). Scène d’anthologie automobile de cette même saison : Bobby et Cliff arrivant ensemble aux Pétroles Ewing dans leurs autos respectives, Cliff en coupé et Bobby en cabriolet, à l’époque où la gamme XJS faisait un tabac aux Etats-Unis ! Puis Bobby reviendra à Mercedes jusqu’à la fin de la série, avec le nouveau (et exceptionnel) roadster 500 SL présenté en 1989. C’est d’ailleurs la dernière voiture que l’on peut voir dans le dernier épisode de la dernière saison : Bobby la gare à Southfork avant d’entendre un certain coup de feu !

Les voitures de Sue Ellen constituent un excellent point de repère dans la comparaison Dallas/Dynastie et l’évolution suivie par les personnages de ces deux séries. Au début, l’épouse de J.R. roule plutôt modestement dans un break Mercury parfaitement anonyme. Dans un élan de générosité, J.R. lui offre en 1981 un autre break, une Mercedes 300TD jaune paille, le seul break de luxe produit dans le monde à l’époque! Sue Ellen est folle de joie en découvrant sa nouvelle auto. Mais les femmes sont insatiables et, dans la saison 1983-1984, Sue Ellen s’offre carrément l’un des modèles les plus chers de la gamme Mercedes à l’époque: un coupé 380SEC bleu métallisé, au volant de laquelle elle connaîtra bien des aventures: on verra beaucoup cette voiture durant son idylle avec Peter Richards, quand Sue Ellen surprendra J.R. avec Holly Harwood. A noter: au début de la saison 1985-1986, Sue Ellen sombre à nouveau dans l’alcoolisme. Il existe une scène où, bien décidée à aller se saouler, elle s’installe au volant de son coupé et démarre en trombe, permettant au téléspectateur subjugué d’apercevoir le gadget le plus spectaculaire de l’auto : j’ai nommé le bras automatique qui amène la ceinture de sécurité au conducteur quand on met le contact! Même bouleversée, Sue Ellen la boucle (je parle bien sûr de la ceinture)! A noter:le coupé sera remplacé par une 420SEC en 1986, identique, aux jantes et aux pare-chocs près.

Pamela se voit offrir une Chevrolet Corvette noire (de la génération 1968-1982) par Bobby en 1981, juste avant que Chevrolet ne renouvelle ce modèle. Par la suite, Pam roulera en Porsche 911 SC Targa, puis en Carrera cabriolet avec laquelle elle s’offre d’ailleurs un joli tête-à-queue juste après la mort de Bobby, illustrant bien le caractère franchement survireur de la 911, qui lui n’a rien d’imaginaire ! A noter que si Pam avait eu son accident de 1987 en Porsche, elle n’en aurait sans doute pas réchappé: avec le moteur à l’arrière, la protection des passagers est réduite à sa plus simple expression en cas de choc frontal :

Cliff Barnes entame son ascension sociale en BMW série 6, un gros coupé lancé en 1976. Son exemplaire, d’une couleur marron qui n’est pas la plus seyante à mon avis, lui servira d’asile alors que, persuadé d’être ruiné, il y passe la nuit avant d’être réveillé par Jackie qui lui apprend que son gisement dans le Golfe est enfin productif! Pour fêter ça, Cliff s’offre en 1984 un coupé Jaguar XJS, qui commençait à l’époque une deuxième carrière outre-Atlantique (Jaguar ayant renoncé à l’intérieur 100% skaï et plastique des débuts au profit d’une belle sellerie cuir et d’un tableau de bord plaqué en ronce de noyer.)

Les voitures des autres

Jock roule en Lincoln Mark VI Edition Cartier, un très gros coupé à l’ineffable mauvais goût, bien que décoré par la célèbre firme française.

Ellie, en plus de son vélo d’appartement, utilise parfois un cabriolet VW Golf série 1, une auto très populaire auprès des retraités américains.

Clayton (encore l’influence de Dynastie) n’utilise, dans un premier temps, que des Rolls Royce : une Silver Spirit bicolore la plupart du temps, et parfois une Phantom V (une auto très rare, produite de 1959 à 1968 et entièrement fabriquée à la main). Ensuite (toujours le patriotisme), Clayton se contentera d’une Cadillac Séville. Grandeur et décadence.

Ray respecte son image de cow-boy en restant fidèle aux Jeep Cherokee pick-up, du moins jusqu’à 1987, date à laquelle le quadragénaire aux tempes argentées s’offrira un gros break GMC Suburban 9 places (!), histoire de véhiculer dignement sa nouvelle famille (Jenna et sa progéniture étant venus s’installer chez lui). Dérivé du Chevrolet Blazer, le Suburban était un gros 4x4 exclusivement équipé d’énormes V8, une auto au style très camionnesque (mais à peu près indestructible, idéal pour un père de famille responsable).

Donna utilise des berlines ou coupés américains de luxe : Lincoln Town Car, Cadillac Séville, Cadillac DeVille Coupé.

Lucy, quant à elle, gravit rapidement les échelons : partie de très loin avec sa Fiat X1/9 (un intéressant coupé découvrable dessiné par Bertone mais desservi par une mécanique roturière héritée de la Ritmo), elle roulera plus tard en Triumph TR7 (championne de la rouille et des connexions électriques fantaisistes), en Porsche 924 (un ersatz à moteur Audi) puis en 944 (enfin une vraie Porsche). Lors de son retour à Dallas en 1988, Lucy utilise une Saab 900 turbo cabriolet (avec siège conducteur réglable en hauteur, probablement).

Mitch, en bon étudiant désargenté, utilise une vieille Ford Mustang de la génération 1963-1968 (décapotable quand même).

Jenna roule en Lincoln Mark VII (dans certaines scènes, on peut voir sur les portes avant le clavier à code qu’il fallait utiliser à la place de la clé sur ce modèle). En 1987, Jenna s’offrira une des dernières BMW série 6, marron métallisé (non, elle n’a pas récupéré celle de Cliff : son auto est nettement plus récente, on la reconnaît aux projecteurs ellipsoïdaux apparus en 1986).

Sue Ellen offre un cabriolet Ford Mustang (1978-1994) à Jamie, dont le frèreJack s’offre une Lotus Esprit turbo rouge grâce à ses dividendes de nouvel actionnaire des Pétroles Ewing. Jamie y trouvera la mort à la fin du rêve de Pam. A noter : Lotus n’étant pas une marque aisément identifiable par le téléspectateur moyen, dans l’épisode où Cliff fait visiter ses installations pétrolières à Jack, on entend celui-ci parler de sa Ferrari rouge !

Casey Denault, quant à lui, flatte notre chauvinisme au volant d’une Peugeot 505 STI V6, dont la firme franc-comtoise réussit à fourguer un certain nombre d’exemplaires aux Etats-Unis au cours des années 80 (notamment à New York, où la flotte de taxis 505 n’atteignit pas moins de mille unités en 1982). Cela étant, Denault n’étant qu’un vulgaire escroc perpétuellement fauché et qui plus est habillé la plupart du temps comme un sinistre péquenaud, on ne peut pas dire que la 505 ait trouvé un rôle très valorisant dans « Dallas » !

Sly est la propriétaire d’un cabriolet Chrysler LeBaron, décapotable bon marché qui fit un tabac en Californie et en Floride à la fin des années 80. Enfin, gardons le meilleur pour la fin :

Mark Graison a choisi la plus vulgaire de toutes les autos de Dallas : une créature d’épouvante appelée Zimmer Golden Spirit : en gros, une Mustang'78 dotée d’un capot démesuré (censé rappeler les années 30 !), et d’une capote à compas apparents (pour faire « vintage »). N’oublions pas les vases à fleurs synthétiques fixés sur le haut des portières, et la mascotte de (fausse) calandre dorée à l’or fin ! Un summum de bon goût, qui s’est très bien vendu sur la côte Ouest dans les années 80 ! C’est cette auto (repérable entre toutes) qui trouble Pam lorsqu’elle l’aperçoit après la mort de Mark. (A ce sujet, n notons que, puisqu’il est vraiment mort et ne ressuscite que dans le rêve de Pam, qui donc a réellement attiré icelle à Hong Kong (dans les épisodes qui, eux, ne font pas partie du fameux rêve) ? J.R. ? Cliff ? La question reste en suspens)

Offrez-vous la Mercedes de J.R. !

Le saviez-vous? Vous pouvez rouler dans la voiture de J.R. pour un prix modique! Les Mercedes classe S se trouvent en effet à partir de 20000 francs sur le marché de la neuvième main (ces voitures sont très endurantes, et sont capables de parcourir plusieurs centaines de milliers de kilomètres avant de rendre l’âme). Attention cependant: si les classe S sont fiables, les pièces détachées sont très chères. Et la consommation, raisonnable sur les six cylindres, est carrément gargantuesque sur les huit cylindres. Mais pour le tiers du prix d’une Clio neuve, vous aurez la satisfaction de jouir d’une carrosserie et d’un intérieur de grande classe, sans parler des performances susceptibles d’enrhumer n’importe quelle GTI si vous prenez soin de choisir une V8 !

Les autres voitures de Dallas sont moins abordables (mis à part la Fiat de Lucy, mais là, c’est le royaume de la rouille). Un Mercedes SL identique à celle de Bobby (mis à part les phares et pare-chocs US) ne vaut pas moins de 80000 francs. Le coupé de Sue Ellen s’affiche à 60000 francs minimum en bon état, la Jaguar XJS de Cliff est carrément donnée à partir de 40000 francs pour les modèles d’avant 1981 (mais gare aux fuites d’huile et à la fiabilité générale) Les autres modèles sont des américaines (Lincoln, Chevrolet) , donc rares en France, et en général pas chères; en revanche, la disponibilité des pièces peut se révéler problématique.

retour

retour en haut